Divorce en vue : quid du logement ?
"Mariés depuis environ deux ans, sans enfant, nous vivons dans l’appartement que mon mari loue depuis de nombreuses années. Notre relation s’étant dégradée, je souhaite divorcer alors que lui s’y oppose. Aucun de nous deux ne veut quitter l’appartement, à qui sera-t-il attribué ?"
Elisabeth, Carouge
Lorsque la vie commune des époux est suspendue, il y a lieu de solliciter en cas de désaccord les mesures protectrices de l’union conjugale afin d’organiser la vie séparée. Ces mesures de protection sont prononcées par le juge et sont de nature provisoire (art. 175 ss Code Civil). Elles peuvent s’avérer nécessaires lorsque l’un des conjoints refuse le divorce, ce qui oblige l’autre à attendre une période de deux ans avant de pouvoir le requérir seul, sauf motif grave. L’une des questions qui se pose est de savoir ce qu’il adviendra du logement familial pendant ces deux années si chaque époux en demande l’attribution au juge.
En effet, le juge devra accorder le logement à l’un des époux exclusivement en analysant la situation. Plus spécifiquement, il devra apprécier s’il existe des motifs prépondérants qui justifieraient l’octroi de la jouissance à l’un des époux au détriment de l’autre. Parmi ces motifs, le juge considère généralement comme impérieux les intérêts des enfants, qu’ils soient issus ou non de cette union. S’il n’est pas question d’enfant, le juge appréciera alors les intérêts propres de chaque époux dont notamment la nécessité du lieu pour l’exercice de leur profession, un intérêt affectif prépondérant (maison construite par un membre de la famille par exemple), leur état de santé, leur aptitude à retrouver un logement et leur situation financière. A cet égard, l’incapacité à assumer seul le loyer – devenu exorbitant pour un seul des époux – peut être un argument pour s’opposer à la demande d’attribution.
La loi ne définissant pas ce qu’il faut retenir par motif important, tout besoin primordial peut être invoqué qu’il soit d’ordre social, professionnel ou financier ; le juge jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans la pesée des intérêts divergents. Le fait que votre mari soit le locataire et que le bail soit à son nom depuis de nombreuses années n’est en soi pas un motif suffisant, s’il n’est pas accompagné d’une autre raison susmentionnée, pour lui permettre d’obtenir la jouissance du domicile.
Dans le cadre de ces mesures, lorsque le juge attribue le logement à l’époux qui n’est pas locataire, la relation contractuelle nouée avec le bailleur n’est pas transformée. Le contrat de bail ne peut être transférer légalement à l’autre époux que lors du divorce. Le contrat de bail reste donc au nom du locataire qui n’en a peut-être plus la jouissance, à tout le moins provisoirement. Toutefois, il faut préciser que l’époux non-locataire est protégé de toute tentative de résiliation du bail à titre de représailles de la part de l’autre conjoint, grâce à l’article 266 du Code des obligations.