Léguer notre bail à notre fille ?
"Très intéressés par votre réponse concernant le « maintien du bail de grand-maman », nous souhaiterions savoir si nous pouvons léguer le bail de notre appartement à notre fille unique sans augmentation massive du loyer."
May-Christiane et René, Genève
En vertu des dispositions légales en matière de succession, les héritiers légaux que sont les descendants, le conjoint voire les parents du défunt, les héritiers institués (soit ceux choisis par testament ou par pacte successoral) ou encore les légataires peuvent succéder à une personne décédée.
Les héritiers du défunt succèdent, « à titre universel », c'est-à-dire qu’ils acquièrent l’ensemble des droits et obligations du de cujus du seul fait du décès de ce dernier alors que les légataires succèdent, « à titre singulier », c'est-à-dire qu’ils ne font pas partie de la communauté héréditaire et qu’ils ne bénéficient que d’une créance à l’encontre des héritiers.
Ainsi, comme indiqué dans la chronique parue le 14 janvier dernier, le contrat de bail ne prend pas fin à la mort du locataire mais passe automatiquement à ses héritiers légaux ou institués. Le bailleur n’est pas en droit de mettre fin au contrat de bail en invoquant le décès du locataire, à moins qu’il ne se prévale de justes motifs comme par exemple l’insolvabilité notoire des héritiers.
Lorsque l’hoirie comporte plusieurs héritiers, l’ensemble des biens deviennent leur propriété commune, ce qui implique qu’ils doivent prendre les décisions de manière unanime jusqu’au partage de la masse successorale. Au moment du partage, un bail commercial peut être transféré à l’un des héritiers, avec l’accord écrit du bailleur qui ne peut le refuser qu’en invoquant un juste motif. En revanche, cette possibilité n’existe pas en cas de bail d’habitation et le bailleur peut s’opposer librement à la reprise d’un tel bail. S’agissant du partage de la succession, le de cujus peut, par disposition pour cause de mort, prescrire des règles telles que l’ajournement partiel du partage. Il sied cependant de préciser que de ces règles ne sont pas opposables aux héritiers réservataires lésés dans leur réserve et que les héritiers unanimes peuvent y déroger.
Il ressort de ce qui précède qu’en cas de décès de l’un d’entre vous, votre fille deviendra automatiquement co-titulaire avec le conjoint survivant du contrat de bail. Il vous est possible de prévoir par testament ou pacte successoral que cette situation reste inchangée. Enfin au décès du conjoint survivant, votre fille restera seule titulaire du bail si vous n’avez pas d’autres héritiers légaux. Il sied cependant de préciser que le bailleur reste libre, en tout temps, de procéder à une majoration de loyer pour le prochain terme contractuel et selon les modalités prévues par la loi.