Puis-je me retourner contre mon bailleur ?
"Dans votre article de lundi dernier, vous avez expliqué comment agir contre un voisin incommodant sur le plan olfactif. Je subis moi aussi ce genre de nuisance mais je n’ai pas les moyens d’engager un procès. Est-ce que je ne peux pas m’adresser à ma régie pour s’en charger ?"
Ben, Genève
C’est juste: un locataire victime d’immiscions excessives de la part de son voisin peut choisir de s’en plaindre à son bailleur plutôt que d’assumer lui-même une procédure à l’encontre de celui qui abuse à son détriment de son droit de propriété ou trouble illicitement sa jouissance de son logement. Le locataire peut ainsi se retourner contre le bailleur en invoquant les prérogatives offertes par les règles sur les défauts de la chose louée en cours de bail, conformément aux art. 259a et suivants du Code des Obligations.
En effet, aux termes de l’article 256 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose dans un état approprié à l’usage pour lequel elle a été louée, puis de l’entretenir en cet état. Au cours du bail, le bailleur répond donc des dommages non imputables au locataire. Lorsque de tels défauts apparaissent auxquels le locataire n’est pas tenu de remédier à ses frais, ou encore lorsque le locataire est empêché d’user de la chose conformément au contrat, il peut exiger notamment du bailleur la remise en état de la chose, une réduction proportionnelle du loyer, ainsi que des dommages-intérêts.
La notion de défaut comprend tout ce qui exclut, restreint ou entrave l’usage convenu de la chose louée, soit notamment la privation de la possibilité de profiter convenablement des locaux en raison du comportement d’un voisin. Le locataire peut donc attendre de son bailleur qu’il fasse le nécessaire afin de remédier à un défaut situé dans sa sphère d’influence, en procédant aux réparations idoines ou en agissant lui-même en cessation de l’atteinte contre l’auteur des nuisances, conformément aux règles de droit du voisinage prévues par les art. 679 et suivants du Code civil, telles qu’exposées dans ces colonnes la semaine dernière.
Dans le cas concret des mauvaises odeurs dont se plaignait le lecteur de Chêne-Bougeries, si celles-ci sont dues à un défaut du système de ventilation imputable au bailleur (par hypothèse propriétaire des deux logements concernés), il peut être exigé de ce dernier une remise de la chose dans un état conforme à l’usage convenu. Si ces odeurs sont dues à un aménagement inadéquat de l’immeuble voisin n’appartenant pas au bailleur, le locataire lésé peut demander à ce que le bailleur se charge d’une procédure à l’encontre dudit voisin, de sorte que le système de ventilation en cause soit adapté ou déplacé afin d’éviter les mauvaises odeurs.
Soulignons enfin que les droits découlant du bail ne sont pas subsidiaires aux actions basées sur les droits de voisinage, ce qui signifie que le locataire lésé peut parfaitement décider d’agir lui-même sur les deux fronts en parallèle.