Les e-sportifs d’élite sont-ils reconnus légalement?
Mon fils joue toute la journée aux jeux vidéo et il essaie de m’expliquer qu’il s’entraîne comme le ferait tout sportif de haut niveau! Il me parle de compétition en ligne, cash prize et autres termes qui m’échappent complètement. Selon ses explications, il serait actif dans l’e-sport… Est-ce que ça existe juridiquement?
D, Genève
L’e-sport ou sport électronique est la pratique compétitive des jeux vidéo, souvent dans un cadre structuré avec des tournois, des équipes et des cash prizes (une récompense donnée à un joueur pour avoir gagné une compétition). Contrairement au sport traditionnel, qui repose sur une activité physique intense, l’e-sport mobilise avant tout des compétences cognitives, stratégiques et de coordination motrice fine. Ces nouveaux sportifs utilisent principalement un ordinateur ou une console de jeux vidéo.
En Suisse, la distinction entre sport et e-sport est encore floue. L’Office fédéral du sport (OFSPO) ne reconnaît pas officiellement l’e-sport comme une discipline sportive au même titre que le football ou le tennis. La loi fédérale sur l’encouragement du sport (LESp) et son ordonnance reste muette sur le sujet. Toutefois, certaines organisations suisses, comme la Swiss Esports Federation (SESF), œuvrent pour une reconnaissance institutionnelle.
D’un point de vue juridique, cette absence de reconnaissance a des implications: les joueurs professionnels d’e-sport ne bénéficient pas des mêmes protections et soutiens que les athlètes classiques, comme les aides fédérales ou les statuts spécifiques en matière d’assurance sociale. En revanche, ils restent soumis aux règles générales du droit du travail et des contrats en cas de sponsoring ou de participation à des compétitions. Les contrats d’e-sport soulèvent également des questions en matière de droits d’image, de fiscalité et de réglementation des transferts de joueurs, qui s’inspirent souvent des procédés en vigueur dans le sport traditionnel.
Dans la pratique, l’e-sport est déjà structuré comme un sport, avec des ligues, des entraîneurs et des préparations intensives. Certains joueurs passent des heures à s’entraîner, tout comme les sportifs traditionnels, mais en mobilisant d’autres capacités: réflexes, concentration et prise de décision rapide.
Le Tribunal arbitral du sport (TAS), basé à Lausanne, pourrait jouer un rôle clé dans l’évolution du statut juridique de l’e-sport, car il est régulièrement sollicité pour trancher des litiges dans les sports classiques liés aux contrats de joueurs, aux règlements de tournois et aux différends entre organisateurs et sponsors. Le TAS ne s’est pas encore prononcé sur une reconnaissance formelle de l’e-sport en tant que discipline sportive; ajouter l’e-sport à ses compétences constituerait selon certains une étape déterminante pour son assimilation au sport traditionnel et permettrait d’harmoniser les pratiques juridiques au niveau international.
En résumé, si votre fils se voit comme un sportif, il n’a pas tort sur le fond. Mais d’un point de vue juridique et institutionnel en Suisse, l’e-sport n’a pas encore le même statut que le sport traditionnel. Cela pourrait évoluer à l’avenir, notamment avec la montée en puissance des compétitions internationales et l’intérêt grandissant du public ainsi que des milieux économiques à l’e-sport. Preuve en est, les Jeux olympiques de l’e-sport se tiendront pour la première fois en 2027.