Jusqu’où va l’exhérédiation ?
"Suite à votre chronique du 25 novembre dernier, je voudrais savoir quelles sont les démarches et conditions pour exhéréder quelqu’un. L’exhérédation s’appliquera-t-elle également à la descendance de l’exhérédé ?" A., Genève
Lorsqu’un décès survient, la communauté des héritiers est généralement constituée des héritiers légaux (désignés par la loi) et des héritiers institués (choisis par le défunt). Parmi les héritiers légaux, il existe les héritiers réservataires (enfants, parents et conjoint ou partenaire enregistré) auxquels le Code Civil assure l’obtention d’une fraction du patrimoine du défunt appelée réserve. L’exhérédation constitue le seul moyen de complétement « déshériter » un héritier réservataire qui normalement dispose de cette fraction irréductible du patrimoine de la succession.
La loi réglemente strictement l’exhérédation et l’autorise dans trois cas uniquement. Les deux premières hypothèses régissent les situations dans lesquelles l’héritier a gravement failli à ses devoirs légaux et familiaux ou a commis une infraction pénale grave contre le défunt ou l’un de ses proches. La troisième hypothèse est celle d’une exhérédation partielle d’un descendant contre lequel il existe des actes de défauts de biens, le défunt pouvant par ce moyen supprimer la moitié de la réserve d’un de ses enfants et l’attribuer à ses petits-enfants.
Le but de la loi est donc d’éviter que les biens du défunt passent entièrement en mains des créanciers - au détriment de la famille - si l’héritier est surendetté ou de priver de succession l’héritier qui a eu un comportement répréhensible face au défunt ou ses proches. Evidemment, il doit s’agir de situations exceptionnelles qui ne peuvent pas être liées à de simples souhaits ou préférences du défunt. Par exemple, épouser une personne ou choisir un métier que le défunt n’apprécie pas ne constituent pas des motifs d’exhérédation. D’ailleurs, celle-ci n’intervient pas d’office dès que les conditions la régissant sont réunies ; il est nécessaire que le défunt ait expressément déclaré sa volonté d’exhéréder ainsi que le motif qui la fonde dans un testament ou un pacte successoral.
Si l’héritier est valablement exhérédé en raison d’un comportement répréhensible grave, il perd non seulement son droit au patrimoine mais également sa qualité d’héritier. L’exhérédé est alors considéré comme prédécédé et ses descendants accèdent normalement à la succession, sauf si ils ont eux-mêmes été exhérédés. En revanche, lorsque cet héritier est exhérédé pour cause d’insolvabilité, il ne perd que son droit à la moitié de la réserve mais conserve sa qualité d’héritier.