Une telle renonciation est-elle légale?

Mon frère et moi venons d’hériter d’une parcelle constructible et divisible. Un promoteur immobilier lui a offert de racheter sa part afin d’y construire un immeuble. Me sachant vindicative, mon frère m’a demandé de ne pas mettre des bâtons dans les roues et de signer un engagement par lequel je renonce, en avance, à m’opposer à tout projet de construction futur sur sa moitié de parcelle. Étant sa seule voisine, il espère ainsi économiser du temps et de l’argent pour des procédures judiciaires. Est-ce possible?

L. Genève

Dans le cadre de projets de construction, il n’est pas rare que des promoteurs ou propriétaires cherchent à obtenir l’accord préalable des voisins pour éviter des oppositions potentielles lors de la procédure de demande de permis de construire.

Une telle démarche est-elle légale? La réponse est nuancée. En Suisse, la liberté contractuelle permet aux parties de conclure des accords tant qu’ils respectent l’ordre public, les bonnes mœurs et les droits impératifs.

Cependant, un engagement ne doit pas porter atteinte à l’ordre public. Par exemple, le voisin ne peut valablement renoncer à contester un projet qui violerait gravement les normes d’urbanisme ou de construction (par exemple une hauteur excessive, un non-respect des distances ou une atteinte à l’environnement). Dans de tels cas, l’autorité compétente pourrait ne pas tenir compte de l’accord et examinerait l’opposition malgré l’engagement initial.

En outre, pour être valable, cet accord doit être librement consenti, transparent et précis quant à son objet. Il est donc recommandé de le formaliser par écrit, en s’assurant que le projet de construction respecte scrupuleusement les règles applicables car, évidemment, un tel engagement de ne pas former d’opposition ne supprime pas le contrôle légal exercé par les autorités, et l’octroi du permis de construire reste conditionné au respect des normes en vigueur.

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de se prononcer sur cette problématique dans un arrêt de juin 2021 (4A_73/2021), en précisant que pour être valable, l’engagement du voisin doit être clair, précis et refléter un consentement librement donné. Toute forme de pression ou d’avantage indu risquerait d’entacher l’accord.

Cette décision invite donc à la prudence: si de tels accords sont possibles, ils restent subordonnés à la légalité et au contrôle des autorités qui ne doivent notamment pas tolérer des conventions de retrait d’opposition pouvant être qualifiées d’immorales au sens de l’art. 20 CO…

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