Se plaindre suite à une poursuite
"Est-il possible de porter plainte contre un créancier qui nous expédie sans vergogne à l’Office des poursuites alors que l’on peut justifier qu’on ne lui doit rien ?"
Eric, Genève
La loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) permet au créancier de s’adresser à l’Etat pour astreindre le débiteur à s’exécuter. Elle propose des moyens simples et rapides tant pour le débiteur-poursuivi que pour le créancier-poursuivant afin de défendre ses droits : chacun pourra ainsi, tour à tour, suspendre ou relancer la procédure sous certaines conditions.
La procédure débute par la réquisition de poursuite émanant du créancier, laquelle consiste en un formulaire à remplir où seules les données strictement nécessaires sont demandées (montant et coordonnées). L’Office adressera ensuite un « commandement de payer » à la personne désignée comme débiteur. A ce stade, l’autorité n’a ni l’obligation, ni même la compétence de procéder à une vérification quant à l’existence de la créance ou à l’exactitude de sa quotité. Ainsi, quiconque peut effectivement se prétendre créancier, même à tort. Selon le Tribunal fédéral, l’Office devra tout de même, sous peine de s’exposer à une plainte administrative, refuser de donner suite à une réquistion si il est manifeste qu’elle est abusive, en particulier lorsque le soi-disant créancier a pour but de nuire à la réputation économique ou sociale d’autrui, ou lorsqu’il réclame une somme qu’il n’a aucune chance de se voir allouer par un tribunal suisse.
Lorsqu’un commandement de payer est notifié au prétendu débiteur, la loi accorde à ce dernier la possibilité de contester l’existence ou l’exigibilité de la dette en formant « opposition » dans un délai de dix jours au plus, souvent directement en mains du facteur. Cette opposition suspend la procédure et met à charge du poursuivant de prouver l’existence de sa créance non pas devant l’Office des poursuites, mais devant un juge civil.
On peut se demander si une poursuite purement chicanière peut constituer une atteinte illicite à la personnalité selon au sens des articles 27 et suivants du Code Civil. Si tel est le cas, celui qui est poursuivi de manière infondée pourrait demander la cessation de l’atteinte ou son interdiction, ainsi que l’allocation de dommages-intérêts, comprenant une réparation du tort moral causé.
Il reste que celui qui se hasarderait à déposer régulièrement des réquisitions de poursuites infondées constituant une menace d’un dommage sérieux ou entravant de quelconque manière la liberté d’action du poursuivi, pourrait se rendre coupable d’une tentative de contrainte réprimée par l’article 181 du Code Pénal.